Loin de Paris, près des habitants

A la frontière entre le Loiret et l’Essonne, aux portes du Grand Paris et au cœur des plaines de la Beauce, se trouve le village de Pussay. Une commune à la lisière, qui veut faire de la ruralité un atout pour la transition écologique et a fait le choix d’un autre grand pari : celui de l’autonomie.

Depuis plusieurs années, la mairie s’empare du sujet de l’agriculture et notamment de la préservation du foncier. Dès 2008, elle souhaite installer des maraîchers sur des terres appartenant à la commune. Mis en lien grâce au pôle Abiosol, Sylvie Guillot et Florent Sebban s’installent en 2011 et cultivent aujourd’hui 4ha en maraîchage sur la ferme Sapousse, et nourrissent ainsi 200 familles grâce au système AMAP. Leur installation sur des terres destinées à être bétonnées viennent le confirmer : Pussay veut rester à taille humaine et regarder vers un avenir durable ! (https://vimeo.com/136554824)

 

A Nous la Cantine : le pari de la restauration collective

Tout commence avec un projet de construction d’un pôle scolaire, et rapidement émerge la question de la restauration. Si Pussay produit une alimentation de qualité, pourquoi ne pourrait-elle pas la proposer aux enfants scolarisés dans ses écoles ?  C’est dans ce contexte que se crée l’association « A nous la cantine », qui interpelle alors le Syndicat des Quatre Rivières et des portes de la Beauce, compétent pour la restauration collective sur 5 communes dont Pussay. Au départ majoritairement constitué de parents d’élèves, le collectif rencontre les élus et se renseigne sur le fonctionnement des approvisionnements des cantines scolaires. Lucie, parent d’élève et membre de l’association raconte : « Nous avons visité l’usine dans laquelle sont préparés les plats. Tout de suite on s’est dit qu’on voulait autre chose ». Le maire de Pussay, Grégory Courtas, est favorable au projet de cuisine centrale et soutient les actions de l’association. Un dialogue dès lors s’engage avec la municipalité.

 

Pour les élections municipales, faire infuser la mobilisation citoyenne au-delà de Pussay

Début 2020, le collectif part en campagne. L’objectif ? Pousser les listes candidates à s’engager sur la construction de cette cuisine centrale. En effet, une telle structure nécessite l’engagement de plusieurs communes, afin de mutualiser les charges et les investissements, et ainsi pondérer les frais par le nombre de repas. Pour cela, le collectif va chercher plus loin et parvient à obtenir des signataires dans des communes alentours : Angerville, Chalo-St-Mars Morigny-Champigny. « Aujourd’hui, nous servons 500 repas par jour à l’échelle du syndicat. Ce n’est pas suffisant pour une cuisine centrale, si jamais on pouvait s’allier à de plus grandes communes comme Dourdan par exemple, ce serait un atout. Nous avons calculé que 10 emplois pourraient être créés au total avec cette cuisine, pour un investissement de 2 millions d’euros », explique Gregory Courtas.

 

Exemple de bulletin d’engagement

 

A Chalo-St-Mars, entre Pussay et Etampes, Daniel Hautem membre du collectif et désormais élu insiste : « Nous avons inscrit dès le départ cette ambition dans notre profession de foi, et c’est peut-être pour ça qu’on a gagné d’ailleurs ! Depuis, ça fait un peu une chaîne autour de Pussay. » En effet, l’élection à la mairie de Chalo Saint Mars de la liste de Xavier Guiomar, signataire de cet engagement, donne beaucoup d’espoir au collectif. La question se pose désormais pour cette commune de rejoindre le syndicat intercommunal, pour porter en interne ce projet de cuisine centrale, au côté notamment de son président Grégory Courtas.

 

Produire sur des terres publiques : vers une régie agricole municipale ?

Néanmoins, le chemin est long. A Pussay, la mairie avance parallèlement sur l’achat de terre pour la mise en place d’une régie agricole municipale : 15ha de terres sont en cours d’acquisition, un moyen de montrer que tout pourrait être prêt pour approvisionner localement cette future cuisine, que le maire et le collectif appellent de leurs vœux. « Nous avons signé une convention de veille foncière avec la Safer[1], ce qui nous permet d’être regardant sur le foncier agricole et de nous porter candidat à l’acquisition lors de reventes. Mais le fermier locataire reste prioritaire, cela reste donc très compliqué pour une commune ».

La régie agricole s’affiche en effet de plus en plus comme une ambition pour de nombreuses collectivités en Ile-de-France. Elle permet de salarier des agents de la ville, au même titre que pour l’entretien des espaces verts, pour cultiver sur des terrains municipaux. A Terre de Liens et au Réseau des Amap, nous réfléchissons à la pertinence de ce modèle très plébiscité.  Le rôle d’une collectivité n’est-il pas plutôt d’encourager les installations indépendantes sur son territoire ? A Pussay, la régie agricole viendrait notamment compléter l’offre de fermes indépendantes comme la ferme Sapousse. « L’obstacle avec l’approvisionnement en circuit-court reste le code des marchés publics, qui nécessite de d’allotir les marchés et de mettre les producteurs en concurrence. La régie permettrait de passer outre », rappelle Grégory Courtas. Une ambition intéressante donc, mais qui nécessite des études technico-économiques poussées.

En attendant, la mobilisation autour de la cuisine centrale a permis à de plus en plus d’habitants de prendre la mesure des enjeux alimentaires : « Je pense que ce qu’on a réussi, c’est mettre le sujet au cœur des discussion dans les municipales », affirme Lucie. A la ferme Sapousse, la situation sanitaire et le confinement ont généré un engouement certain pour les circuits courts, la liste d’attente pour l’AMAP s’allonge.  La crise comme accélérateur ? Le maire semble vouloir y croire : « Pour moi, le changement s’opère pendant les crises ! ».

Pour le collectif A Nous la cantine, cet enthousiasme conjoncturel vient confirmer la pertinence de leurs revendications, et la nécessité de travailler en bonne intelligence avec les élus des différentes communes.  

 

 

 

 

[1] Société d’Aménagement Foncier et d’Etablissement Rural